Évaluation de la Dépendance Française vis-à-vis du Complexe Nucléaire Russe pour l'Approvisionnement en Uranium
(Rapport d'Analyse Sectorielle)
1. Résumé Exécutif
Ce rapport évalue la dépendance de la France vis-à-vis des entités nucléaires russes contrôlées par l'État, notamment Rosatom, sa filiale commerciale Tenex, et quatre combinats majeurs (SKhK, UEKhK, EKhZ, AEKhK), pour son approvisionnement en uranium. L'analyse couvre l'origine de l'uranium naturel, les services de conversion, d'enrichissement (mesurés en Unités de Travail de Séparation - UTS), et le traitement de l'uranium de retraitement (URT).
Les conclusions principales indiquent une dépendance française significative et multidimensionnelle. Concernant les services d'enrichissement, bien que la France dispose d'une capacité nationale via Orano, une part substantielle de ses besoins, estimée dans la fourchette de 25% à 35% ces dernières années, est satisfaite par Rosatom/Tenex, issue de la capacité combinée des quatre combinats russes. Pour l'uranium naturel, près de la moitié des importations françaises provient du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan.1 Bien que non directement extraite par la Russie, cette part est soumise à une influence russe potentielle via des accords commerciaux, des co-entreprises et le contrôle historique des routes de transit, une situation qui soulève des questions de sécurité d'approvisionnement. Un point de dépendance particulièrement critique concerne le traitement de l'URT français, une étape clé de la stratégie de cycle fermé d'EDF, qui est historiquement confiée au combinat spécifique de SKhK à Seversk.1
Globalement, une proportion notable, bien que difficile à quantifier avec une précision absolue, de l'uranium utilisé en France transite par le complexe nucléaire russe à une étape ou une autre de son cycle. Cette dépendance expose la France à des risques géopolitiques, de sécurité d'approvisionnement, de volatilité des prix, ainsi qu'à des considérations éthiques et réputationnelles liées aux activités et à l'historique de certaines installations russes, notamment SKhK. La réduction de cette dépendance représente un défi stratégique majeur, nécessitant des investissements conséquents dans les capacités occidentales, la sécurisation de routes alternatives et potentiellement des arbitrages économiques et politiques complexes.
2. Introduction
2.1 Contexte
La France se distingue par sa forte dépendance à l'énergie nucléaire, qui assure une part prépondérante de sa production d'électricité et constitue un pilier de sa stratégie d'indépendance énergétique et de décarbonation.1 La stabilité et la sécurité de la chaîne d'approvisionnement en combustible nucléaire sont donc d'une importance capitale pour le pays. Cette chaîne complexe implique plusieurs étapes industrielles, de l'extraction de l'uranium naturel à la fabrication du combustible final.
2.2 Problématique
Dans ce contexte, la question centrale de ce rapport est d'évaluer la mesure dans laquelle la France dépend des entités nucléaires contrôlées par l'État russe pour l'uranium utilisé dans ses réacteurs nucléaires, exploités majoritairement par Électricité de France (EDF). Plus spécifiquement, l'analyse se concentre sur le rôle de Rosatom, la corporation d'État russe pour l'énergie atomique, de sa filiale commerciale internationale Techsnabexport (Tenex), et de quatre de ses principaux combinats industriels : le Combinat Chimique de Sibérie (SKhK) à Seversk, le Combinat Électrochimique de l'Oural (UEKhK) à Novouralsk, l'Usine Électrochimique (EKhZ) à Zelenogorsk, et le Combinat Électrochimique et Chimique d'Angarsk (AEKhK) à Angarsk.5
2.3 Portée et Méthodologie
L'analyse porte sur les étapes clés du cycle du combustible nucléaire : l'approvisionnement en uranium naturel (en particulier les flux potentiellement influencés par la Russie depuis l'Asie Centrale), les services de conversion de l'uranium en hexafluorure d'uranium (UF6), les services d'enrichissement de l'uranium (mesurés en Unités de Travail de Séparation - UTS ou SWU en anglais), et le traitement spécifique de l'uranium de retraitement (URT) issu du combustible usé français. L'étude s'efforce d'utiliser les données les plus récentes disponibles (idéalement sur les 1 à 3 dernières années) et s'appuie sur une diversité de sources, incluant des rapports officiels (gouvernementaux, agences spécialisées), des données d'organisations industrielles (World Nuclear Association - WNA, Euratom Supply Agency - ESA), des analyses sectorielles, des publications d'ONG, et des informations publiques des entreprises concernées. L'objectif est de fournir une estimation quantitative de la dépendance lorsque les données le permettent, tout en reconnaissant explicitement les limites et les incertitudes inhérentes à la disponibilité et à la granularité des informations commerciales et stratégiques.
2.4 Pertinence
La pertinence de cette évaluation s'est accrue de manière significative dans le contexte géopolitique récent, notamment suite à l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022. Cet événement a intensifié les débats au sein des pays occidentaux sur leur dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie et a conduit à des discussions sur d'éventuelles sanctions ou mesures de diversification des approvisionnements, y compris dans le secteur nucléaire.7 Comprendre précisément la nature et l'étendue de la dépendance française vis-à-vis du complexe nucléaire russe est donc essentiel pour éclairer les décisions politiques et stratégiques en matière d'énergie et de sécurité nationale.
3. Besoins du Cycle du Combustible Nucléaire Français
3.1 Vue d'ensemble
Le parc nucléaire français, exploité principalement par EDF, est l'un des plus importants au monde. Il nécessite des quantités substantielles de combustible chaque année. Bien que les chiffres exacts varient légèrement d'une année à l'autre en fonction du taux d'utilisation des réacteurs et des stratégies de gestion du combustible, les ordres de grandeur annuels sont considérables. Ils se chiffrent typiquement en milliers de tonnes d'uranium naturel (U), nécessitant des services de conversion équivalents pour produire de l'hexafluorure d'uranium (UF6), et plusieurs millions d'Unités de Travail de Séparation (UTS) pour l'enrichissement de cet UF6 au niveau requis pour les réacteurs à eau pressurisée (REP) français. La dernière étape, la fabrication des assemblages de combustible, est largement réalisée en France.
3.2 Diversité de la Chaîne d'Approvisionnement (Sources Non-Russes)
Pour répondre à ces besoins considérables, la France s'appuie sur une chaîne d'approvisionnement diversifiée, impliquant des acteurs majeurs non-russes à différentes étapes :
- Uranium Naturel : Les sources d'approvisionnement de la France sont mondiales. Historiquement, des pays comme le Canada, l'Australie, le Niger et la Namibie ont été des fournisseurs importants. Cependant, le Kazakhstan et l'Ouzbékistan sont devenus des sources prépondérantes ces dernières années, représentant conjointement une part très significative, voire près de la moitié, des importations françaises.1 La relation complexe de ces pays d'Asie Centrale avec la Russie en matière de transit et de commercialisation est un point clé de l'analyse de la dépendance.
- Conversion : La France dispose d'une capacité de conversion domestique majeure avec Orano (anciennement Areva), dont les installations se trouvent à Malvesi et Pierrelatte.17 D'autres acteurs occidentaux importants incluent Cameco au Canada (Port Hope) 17 et, historiquement, ConverDyn aux États-Unis (Metropolis), bien que cette dernière installation ait connu des interruptions d'activité.17 Rosatom est également un acteur majeur sur le marché mondial de la conversion.17
- Enrichissement : La France possède également une capacité d'enrichissement domestique significative via Orano et son usine Georges Besse II sur le site du Tricastin, utilisant la technologie de centrifugation.6 Le consortium européen Urenco (associant des intérêts britanniques, allemands et néerlandais, et exploitant également une usine aux États-Unis) est l'autre grand fournisseur occidental.6 La China National Nuclear Corporation (CNNC) dispose d'une capacité importante mais dessert principalement son marché intérieur.6 Rosatom domine cependant le marché mondial en termes de capacité installée.6
- Fabrication du Combustible : Cette étape est largement assurée en France par Framatome (entité issue de la restructuration d'Areva/Orano), qui produit les assemblages combustibles adaptés aux réacteurs d'EDF.4
L'existence de ces acteurs occidentaux majeurs, notamment Orano en France même, démontre que des alternatives technologiques et industrielles aux fournisseurs russes existent à chaque étape clé. Cependant, la part de marché réelle détenue par les entreprises russes, en particulier dans l'enrichissement, suggère que d'autres facteurs entrent en jeu. La dynamique du marché, les capacités de production disponibles, les considérations de coût et, de manière cruciale, les contrats d'approvisionnement à long terme façonnent les flux réels de matières et de services nucléaires. La simple existence d'une alternative domestique ou alliée ne signifie pas une absence de dépendance vis-à-vis d'autres fournisseurs si ces derniers offrent des avantages économiques ou des capacités spécifiques difficiles à égaler rapidement par les concurrents.
4. Analyse de la Dépendance Française vis-à-vis des Services Nucléaires Russes
4.1 Services d'Enrichissement (UTS)
- Quantification de la Dépendance : L'enrichissement de l'uranium, mesuré en Unités de Travail de Séparation (UTS), est une étape cruciale et à haute valeur ajoutée du cycle du combustible. Bien que la France dispose, avec Orano, d'une capacité d'enrichissement nationale de premier plan 6, elle importe néanmoins une part significative de ses services d'enrichissement depuis la Russie, via Rosatom et sa filiale commerciale Tenex. Les données précises spécifiques à la France sont souvent confidentielles ou agrégées au niveau européen. Cependant, les chiffres disponibles pour l'Union Européenne donnent un ordre de grandeur : la Russie fournissait environ 26% des services d'enrichissement de l'UE en 2020 10 et 31% en 2021.11 Pour les États-Unis, la dépendance était de 28% en 2021 10 et 24% en 2022.15 Des sources comme Greenpeace suggèrent une dépendance française élevée.1 En termes financiers, la France a importé pour 359 millions d'euros (environ 377,5 millions de dollars) d'uranium enrichi de Russie en 2022.11 En recoupant ces informations et les analyses sectorielles, il est raisonnable d'estimer que la part des besoins français en enrichissement couverte par la Russie se situe dans une fourchette de 25% à 35% au cours des dernières années (2020-2023).
- Capacité Russe et Part de Marché : Cette dépendance s'explique en grande partie par la position dominante de la Russie sur le marché mondial de l'enrichissement. Rosatom contrôle près de la moitié de la capacité mondiale, estimée à plus de 27 millions d'UTS par an.6 Cette capacité est répartie sur quatre sites industriels majeurs :
- UEKhK (Novouralsk) : Environ 10 millions d'UTS/an.3
- EKhZ (Zelenogorsk) : Environ 8,7 millions d'UTS/an (avec potentiel d'expansion).3
- SKhK (Seversk) : Environ 3,0 millions d'UTS/an.3
- AEKhK (Angarsk) : Environ 2,6 millions d'UTS/an.3 La Russie a atteint cette position grâce à sa technologie de centrifugation très efficace, développée à grande échelle, lui permettant de proposer des services à des coûts compétitifs.8 Tenex est l'entité chargée de commercialiser cette capacité sur les marchés internationaux.2
- Base Contractuelle : Le commerce de l'uranium enrichi et des services associés repose typiquement sur des contrats à long terme, s'étalant souvent sur 5 à 10 ans.8 Ces contrats créent une inertie considérable dans les flux d'approvisionnement. Changer de fournisseur en cours de contrat peut s'avérer complexe et potentiellement entraîner des pénalités financières importantes.8 Des contrats significatifs et de long terme existent entre Tenex et EDF, couvrant potentiellement divers services, y compris l'enrichissement standard et le traitement de l'URT.2
- Rôle des Combinats Spécifiques : Bien qu'il soit impossible, sur la base des informations publiques, de déterminer précisément quelle part des services d'enrichissement fournis à la France provient de chaque combinat individuel (UEKhK, EKhZ, AEKhK, SKhK), il est clair que ces quatre sites contribuent collectivement à la capacité exportée par Tenex.5 Le combinat SKhK à Seversk joue un rôle particulier dans l'enrichissement de l'uranium de retraitement (URT) pour les clients étrangers, dont EDF 1, et a également été impliqué dans le programme de conversion de l'uranium hautement enrichi (HEU) issu des armes russes.7 UEKhK à Novouralsk a la capacité d'atteindre des niveaux d'enrichissement plus élevés (jusqu'à 30%) 3 et participe aussi au downblending de HEU.28 EKhZ à Zelenogorsk est en expansion 3 et opère une usine de déconversion de l'uranium appauvri.17 AEKhK à Angarsk se concentre notamment sur l'enrichissement des queues (tails enrichment).3
- Tableau Estimatif : Part des Services d'Enrichissement Français (2020-2023)
Fournisseur/Source |
Part Estimée des Besoins Français (en % UTS) |
Notes |
Rosatom/Tenex (Russie) |
25% - 35% |
Capacité issue des combinats UEKhK, EKhZ, SKhK, AEKhK. Inclut potentiellement l'enrichissement URT. |
Orano (France) |
50% - 65% (estimation) |
Capacité domestique (Georges Besse II). |
Urenco (Europe/USA) |
5% - 15% (estimation) |
Importations potentielles depuis les usines européennes ou américaines d'Urenco. |
Autres |
< 5% |
Contributions marginales possibles d'autres sources. |
*Sources : Estimations basées sur les données agrégées de l'UE [10, 11], les capacités de production connues [3, 19], les analyses sectorielles [1, 15] et les données financières.[11] Les chiffres exacts sont sujets à la confidentialité des contrats commerciaux.*
Le fait que la France continue d'importer une part substantielle de ses services d'enrichissement de Russie malgré la présence d'Orano sur son territoire suggère une combinaison de facteurs. Il peut s'agir de contraintes de capacité chez Orano pour couvrir 100% des besoins nationaux tout en servant ses autres clients internationaux, des avantages de coût offerts par Rosatom/Tenex grâce à leurs économies d'échelle et leur technologie 8, de la nécessité d'accéder à des services spécifiques comme l'enrichissement de l'URT fourni par SKhK 1, ou simplement de l'effet des contrats à long terme signés antérieurement.8 La capacité massive de la Russie 3 rend difficile son remplacement rapide sur le marché mondial, ce qui a un impact indirect sur la France même si elle cherchait à diversifier ses propres approvisionnements directs.10 Cette situation indique que la dépendance française n'est pas uniquement due à un manque d'alternatives technologiques, mais résulte d'un mélange complexe de rationalité économique, de besoins techniques spécifiques et des réalités d'un marché mondial dominé par la capacité russe. Toute stratégie de diversification nécessiterait donc non seulement une volonté politique, mais aussi des investissements significatifs dans les capacités occidentales et potentiellement l'acceptation de coûts plus élevés ou de solutions techniques différentes.
4.2 Importations d'Uranium Naturel
- Sources d'Approvisionnement : La France importe la totalité de l'uranium naturel nécessaire à son parc nucléaire. Ses principales sources ont évolué au fil du temps. Si le Niger, le Canada et l'Australie ont été des fournisseurs historiques importants, les données récentes montrent une prépondérance croissante des approvisionnements en provenance du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan. Selon certaines analyses, ces deux pays d'Asie Centrale fourniraient collectivement près de la moitié des importations annuelles françaises d'uranium naturel.1
- Influence et Contrôle Russes : La Russie elle-même n'est pas un producteur majeur d'uranium naturel à l'échelle de ses exportations vers l'Europe et les États-Unis ; elle extrait moins qu'elle n'exporte.10 Cependant, Rosatom exerce une influence significative dans le secteur de l'uranium en Asie Centrale. Cette influence peut prendre plusieurs formes : participation dans des co-entreprises minières, accords d'achat (offtake agreements) garantissant l'accès à une partie de la production, et surtout, contrôle historique des infrastructures de transport. Greenpeace affirme que Rosatom contrôle une grande partie des importations françaises issues du Kazakhstan et de l'Ouzbékistan.1 Des accords bilatéraux existent, comme celui sur la création d'un Centre International d'Enrichissement d'Uranium (CIEU) impliquant la Russie et le Kazakhstan.30 Bien qu'il soit difficile de quantifier précisément ce contrôle ou cette influence en pourcentage des tonnes importées par la France, le potentiel d'interférence russe sur une part aussi importante de l'approvisionnement français est une préoccupation stratégique majeure.
- Routes de Transit : Historiquement, une grande partie de l'uranium produit au Kazakhstan et en Ouzbékistan était acheminée vers les marchés occidentaux via le territoire russe, notamment par voie ferroviaire jusqu'aux ports de la Baltique (Saint-Pétersbourg).31 Cette dépendance logistique conférait à la Russie un levier potentiel. Conscients des risques géopolitiques accrus, les producteurs centre-asiatiques et les acheteurs occidentaux explorent et développent activement des routes alternatives, notamment la route transcaspienne (via la mer Caspienne, l'Azerbaïdjan, la Géorgie et la mer Noire ou la Turquie).13 Tenex, de son côté, a également développé des routes via les ports de l'Extrême-Orient russe pour ses clients asiatiques.22
- Tableau : Répartition des Importations Françaises d'Uranium Naturel par Pays d'Origine (2020-2023)
Pays d'Origine |
Part Estimée des Importations Françaises (% en masse U) |
Notes |
Kazakhstan |
20% - 30% |
Fournisseur majeur ; flux potentiellement soumis à l'influence/transit russe. |
Ouzbékistan |
15% - 25% |
Fournisseur majeur ; flux potentiellement soumis à l'influence/transit russe. |
Niger |
10% - 20% |
Fournisseur historique important ; instabilité politique récente. |
Canada |
10% - 20% |
Fournisseur stable et allié. |
Australie |
10% - 15% |
Fournisseur stable et allié. |
Namibie |
5% - 10% |
Autre fournisseur africain. |
Russie |
< 5% |
Importations directes de minerai russe marginales par rapport aux services (enrichissement). |
Autres |
< 5% |
Contributions mineures d'autres pays. |
*Sources : Données de l'Agence d'Approvisionnement d'Euratom (ESA), Ministère de la Transition Écologique (France), Douanes Françaises (si disponibles), World Nuclear Association (WNA), analyses sectorielles.[1] Les parts exactes fluctuent annuellement.*
La dépendance de la France en matière d'uranium naturel vis-à-vis de la Russie est donc principalement indirecte. Elle ne réside pas tant dans l'origine minière directe (la Russie extrait peu elle-même par rapport aux besoins français 10) que dans l'influence potentielle que Rosatom peut exercer sur les producteurs majeurs d'Asie Centrale (Kazakhstan, Ouzbékistan) et sur les voies logistiques traditionnelles. La forte concentration des approvisionnements français sur ces deux pays 1 rend la France particulièrement vulnérable à toute perturbation ou manipulation de ces flux où la Russie détiendrait un levier. La recherche active de routes alternatives 13 témoigne de la prise de conscience de cette vulnérabilité par les acteurs du marché. Pour la France, la diversification ne doit donc pas seulement considérer le pays d'origine du minerai, mais aussi la route empruntée et les intermédiaires commerciaux impliqués, complexifiant ainsi le défi de la résilience de la chaîne d'approvisionnement.
4.3 Gestion de l'Uranium de Retraitement (URT)
- Contexte de l'URT : L'uranium de retraitement (URT) est l'uranium récupéré lors du traitement chimique du combustible nucléaire usé. Il constitue la majeure partie (environ 96%) de la masse du combustible usé. Le retraitement permet de séparer cet uranium du plutonium (environ 1%) et des produits de fission et actinides mineurs (environ 3%). L'URT a une composition isotopique différente de l'uranium naturel : il contient moins d'uranium-235 (typiquement autour de 0,8% à 1%) mais aussi des isotopes comme l'uranium-236, formés dans le réacteur, qui sont des absorbeurs de neutrons.32 Pour être réutilisé comme combustible dans les réacteurs à eau légère, l'URT doit être ré-enrichi à un niveau supérieur à celui de l'uranium naturel. Ce processus nécessite des installations d'enrichissement dédiées ou spécifiquement adaptées pour gérer les caractéristiques de l'URT, notamment la présence d'U-236 et de traces d'autres isotopes issus du retraitement.1 Le recyclage de l'URT permet d'économiser les ressources en uranium naturel et de réduire la quantité de déchets ultimes.32
- Politique et Pratique Françaises : La France, à travers Orano (anciennement Cogema puis Areva), a fait le choix stratégique de retraiter son combustible usé dans l'usine de La Hague. Cette politique vise à valoriser les matières énergétiques récupérées : le plutonium est recyclé sous forme de combustible MOX (Mixed Oxide fuel) dans certains réacteurs d'EDF, et l'uranium (URT) est destiné à être ré-enrichi pour fabriquer de nouveaux assemblages de combustible.
- Rôle de la Russie et du Combinat SKhK : Pour l'étape cruciale du ré-enrichissement de l'URT, la France a historiquement recours aux services de la Russie. Spécifiquement, c'est le Combinat Chimique de Sibérie (SKhK) à Seversk qui a été chargé de cette opération pour le compte d'EDF.1 Cet arrangement s'explique par des raisons "industrielles et économiques" 1, suggérant que SKhK disposait de la capacité technique dédiée (centrifugeuses adaptées à l'URT) et offrait probablement des conditions plus avantageuses que la construction d'une capacité similaire en France ou ailleurs en Occident à l'époque. Tenex, la filiale commerciale de Rosatom, gère les contrats correspondants avec EDF.2 Le combinat SKhK possède une expertise reconnue dans la manipulation du plutonium et des matières issues du retraitement, étant également impliqué dans le développement de nouveaux types de combustibles comme le REMIX (mélange d'uranium et de plutonium retraités) et le combustible pour le réacteur rapide BREST.21
- Quantification et Importance Stratégique : Il est difficile d'obtenir des chiffres précis sur les volumes annuels d'URT français traités à Seversk à partir des sources publiques. Cependant, le contrat entre Tenex et EDF pour le traitement de cet uranium récupéré est qualifié de "contrat à grande échelle et à long terme" et considéré comme un domaine d'activité "prometteur et compétitif" par Tenex.2 Bien que le volume d'URT puisse être inférieur aux flux massifs d'uranium naturel ou enrichi standard, son importance stratégique pour la France et EDF est considérable. Le recyclage de l'URT est un élément clé de la doctrine française du "cycle fermé", visant à optimiser l'utilisation des ressources nucléaires et à minimiser les déchets ultimes. Perdre l'accès aux services de SKhK perturberait cette stratégie.
- Controverses Associées : L'exportation de matières radioactives françaises vers la Russie, et en particulier vers le site de Seversk, a fait l'objet de vives controverses. Des ONG comme Greenpeace et Bellona ont dénoncé ces transferts, les qualifiant d'exportation de "déchets nucléaires" vers un site au lourd passé environnemental.31 Ces campagnes avaient d'ailleurs conduit à une interruption de ces exportations par Areva (aujourd'hui Orano) en 2010, avant qu'elles ne reprennent ultérieurement.31 Les préoccupations portent sur les conditions de stockage et de traitement à Seversk, ainsi que sur l'historique d'accidents et de contamination du site.31
Cette dépendance spécifique pour le traitement de l'URT met en lumière une vulnérabilité particulière pour la France. Elle repose sur une capacité technique très spécifique localisée dans une unique installation russe (SKhK) 1, essentielle à la mise en œuvre de sa stratégie de cycle du combustible. La perte de cet accès forcerait la France à des choix difficiles : stocker l'URT sur le long terme (ce qui contredirait l'objectif de recyclage), investir massivement et sur plusieurs années dans une capacité nationale de ré-enrichissement d'URT, ou revoir fondamentalement sa stratégie de gestion du combustible usé. De plus, cette dépendance lie la politique énergétique française à un site dont l'historique environnemental et sécuritaire est critiqué 31, créant un risque réputationnel et éthique. L'importance stratégique de ce flux pourrait donc dépasser son importance purement volumétrique.
5. Profil des Entités Nucléaires Russes Pertinentes
5.1 Corporation d'État pour l'Énergie Atomique Rosatom
- Structure et Portée : Rosatom est un gigantesque conglomérat d'État qui supervise l'ensemble de l'industrie nucléaire russe, civile et militaire. Sa structure intègre verticalement toutes les étapes du cycle du combustible : exploration et extraction d'uranium (via sa filiale ARMZ Uranium Holding Co.) 3, conversion et enrichissement (via Tenex et les quatre grands combinats : UEKhK, EKhZ, SKhK, AEKhK) 3, fabrication de combustible (via sa filiale TVEL) 3, conception, construction et exploitation de centrales nucléaires en Russie et à l'étranger (via Rosenergoatom et Atomstroyexport) 30, gestion des déchets radioactifs et du combustible usé 49, construction de brise-glaces nucléaires, recherche et développement, et supervision du complexe d'armement nucléaire.27 Rosatom a une présence mondiale significative et joue un rôle géostratégique majeur pour l'État russe.14
- Politiques (Sécurité, Travail) : Officiellement, Rosatom affiche un engagement fort envers la sûreté nucléaire, la protection de l'environnement, le développement durable et la responsabilité sociale.49 L'entreprise publie des rapports annuels de développement durable et déclare adhérer aux normes internationales et aux meilleures pratiques. Des politiques à l'échelle du groupe existent en matière de santé et sécurité au travail (SST), de protection de l'environnement et de droits de l'homme.52 Ces politiques sont généralement alignées sur la législation russe du travail 58 et font référence aux conventions internationales.52 TVEL, la filiale en charge de la fabrication du combustible et maison-mère de SKhK, met également en avant ses politiques RH axées sur la culture de sûreté, la formation et le bien-être des employés.48 Cependant, ces déclarations officielles doivent être mises en perspective avec les critiques et les préoccupations exprimées par des observateurs indépendants et des ONG concernant les pratiques réelles sur certains sites, notamment en matière de gestion des déchets, de transparence et d'impact environnemental ou sanitaire passé et présent.61
5.2 JSC Techsnabexport (Tenex)
- Rôle : Tenex est la principale entité de commerce extérieur de Rosatom pour les produits et services du cycle du combustible nucléaire (NFC).2 Fondée en 1963 23, elle est devenue l'un des leaders mondiaux sur le marché de l'enrichissement d'uranium, fournissant une part significative (estimée à plus d'un tiers) des besoins des réacteurs de conception occidentale.2
- Contrats et Clients : Tenex est responsable de la négociation et de la gestion des contrats d'exportation, souvent des accords majeurs et pluriannuels, avec les compagnies d'électricité du monde entier. Parmi ses clients figurent EDF en France 2, de nombreuses compagnies américaines 12, Korea Hydro & Nuclear Power (KHNP) en Corée du Sud 24, Emirates Nuclear Energy Corporation (ENEC) aux Émirats Arabes Unis 22, et la China National Nuclear Corporation (CNNC) en Chine.23 Tenex a également joué un rôle clé en tant qu'agent exécutif russe dans l'accord historique "Megatons to Megawatts" avec les États-Unis pour la conversion de HEU militaire en combustible civil.18
- Importance Stratégique : Tenex est une source majeure de revenus en devises étrangères pour Rosatom et pour l'État russe.11 L'entreprise a également cherché à se diversifier au-delà de l'enrichissement, en investissant dans la production de fibres de carbone (utiles pour les centrifugeuses) 64, en développant des services logistiques 23, en devenant un intégrateur pour la gestion du combustible usé (SNF) et des déchets radioactifs (RAW) à l'international 23, et plus récemment en se positionnant sur le marché émergent du lithium.56
5.3 Les Quatre Combinats
- Généralités : Ces quatre sites industriels constituent le cœur de la capacité russe de conversion et d'enrichissement. Leurs noms et localisations sont :
- SKhK : Combinat Chimique de Sibérie, à Seversk (anciennement Tomsk-7), Oblast de Tomsk.27
- UEKhK : Combinat Électrochimique de l'Oural, à Novouralsk (anciennement Sverdlovsk-44), Oblast de Sverdlovsk.3
- EKhZ : Usine Électrochimique, à Zelenogorsk (anciennement Krasnoyarsk-45), Kraï de Krasnoïarsk.3
- AEKhK : Combinat Électrochimique et Chimique d'Angarsk, à Angarsk, Oblast d'Irkoutsk.3 Tous ont été créés à l'origine dans le cadre du programme d'armement nucléaire soviétique pour produire des matières fissiles militaires (plutonium et/ou uranium hautement enrichi).5 Ils sont situés dans ou à proximité de "villes fermées" (ZATO) ou de zones à accès restreint.
- SKhK (Combinat Chimique de Sibérie, Seversk) :
- Fonctions : SKhK est un complexe multifonctionnel. Ses activités actuelles ou récentes incluent : l'enrichissement d'uranium (capacité d'environ 3,0 millions d'UTS/an) 3, avec une spécialisation clé dans le ré-enrichissement de l'URT pour des clients étrangers comme EDF 1 ; la conversion d'uranium (production d'UF6) 5 ; la purification et la conversion de HEU militaire en oxyde puis en UF6 dans le cadre d'accords de désarmement (programme "Megatons to Megawatts") 7 ; le stockage de matières fissiles 27 ; la recherche et le développement sur de nouveaux combustibles (REMIX, MNUP) et réacteurs (BREST-OD-300) 21 ; et le stockage de grandes quantités de déchets radioactifs de faible et moyenne activité, notamment par injection en couches géologiques profondes et en bassins de surface.27 Historiquement, SKhK a produit du plutonium militaire dans cinq réacteurs, aujourd'hui tous arrêtés et en cours de déclassement.3 SKhK est une filiale de TVEL.7
- Contexte et Problématiques : Le site de Seversk a un historique chargé. Il a été le théâtre d'un accident majeur de retraitement en avril 1993 (classé niveau 4 sur l'échelle INES), qui a entraîné une contamination radioactive significative de l'environnement.38 D'autres incidents, fuites et accidents de criticité ont également été documentés au fil des décennies.39 La gestion des déchets radioactifs sur le site (stockage en plein air de conteneurs d'UF6 appauvri, injection souterraine de déchets liquides) a suscité de vives critiques de la part d'ONG environnementales comme Greenpeace et Bellona, qui dénoncent des risques de contamination persistants.31 Des études épidémiologiques et dosimétriques menées sur les travailleurs du combinat ont mis en évidence des expositions professionnelles aux rayonnements ionisants et à des composés d'uranium, avec des recherches en cours sur les risques sanitaires à long terme.61 Seversk est une ZATO (ville fermée), avec un accès et une circulation très contrôlés.27 Le site a fait l'objet d'inspections et de visites de l'AIEA, notamment après l'accident de 1993, et de programmes de coopération internationale sur la sécurité et la comptabilité des matières nucléaires (MPC&A) avec les États-Unis.27
- UEKhK (Combinat Électrochimique de l'Oural, Novouralsk) :
- Fonctions : C'est la plus grande usine d'enrichissement de Russie et du monde, représentant près de la moitié de la capacité russe (environ 10 millions d'UTS/an).3 Elle est capable d'enrichir l'uranium à des niveaux plus élevés (jusqu'à 30% U-235) pour certains types de réacteurs ou d'applications.3 Elle participe également au programme de dilution (downblending) du HEU militaire.28
- Contexte et Problématiques : Située dans la ZATO de Novouralsk.68 Le site a connu des accidents de criticité dans le passé.77 Il a fait l'objet d'audits par des compagnies d'électricité occidentales comme Vattenfall, attestant d'un certain niveau de conformité aux standards internationaux pour les clients.47
- EKhZ (Usine Électrochimique, Zelenogorsk) :
- Fonctions : Une autre usine d'enrichissement majeure (environ 8,7 millions d'UTS/an), avec des projets d'augmentation de capacité.3 Elle participe au downblending de HEU.28 Elle abrite l'installation W-ECP, une usine moderne de déconversion de l'uranium appauvri (DUF6 en oxyde stable U3O8) utilisant une technologie transférée par Orano.17 EKhZ produit également du HEU pour les besoins des réacteurs de recherche et des réacteurs à neutrons rapides russes.95
- Contexte et Problématiques : Située dans la ZATO de Zelenogorsk.68
- AEKhK (Combinat Électrochimique et Chimique d'Angarsk, Angarsk) :
- Fonctions : Usine d'enrichissement de plus petite taille (environ 2,6 millions d'UTS/an) 3, potentiellement spécialisée dans l'enrichissement des queues (rejets appauvris d'autres usines).3 Elle opère également une usine de conversion d'uranium (production d'UF6).5 Le site a été choisi pour héberger le Centre International d'Enrichissement d'Uranium (IUEC), une initiative visant à fournir des services d'enrichissement sous garanties de l'AIEA à des pays tiers.30
- Contexte et Problématiques : Située près de la ville d'Angarsk, qui n'est pas une ZATO mais dont l'accès peut être contrôlé.68 Le site a eu des activités de conversion dans le passé.7
Le profilage de ces entités met en évidence l'échelle industrielle, la spécialisation et l'interconnexion au sein du complexe nucléaire russe. Le rôle unique de SKhK dans l'enrichissement de l'URT 1 en fait un nœud critique spécifique pour les besoins français. Les autres combinats (UEKhK, EKhZ, AEKhK) contribuent massivement à la capacité globale d'enrichissement qui alimente le marché mondial, y compris la France, via Tenex.3 Comprendre non seulement les fonctions mais aussi le contexte documenté en matière de sûreté, d'environnement et potentiellement de conditions de travail 61 associé à ces sites spécifiques ajoute une dimension de risque essentielle à l'analyse de la dépendance. La dépendance ne se fait pas seulement vis-à-vis de "la Russie" ou de "Rosatom", mais d'un réseau d'installations spécifiques, chacune avec ses capacités et son profil de risque. La dépendance vis-à-vis de SKhK pour l'URT est particulièrement concentrée sur un site à l'histoire controversée. L'évaluation des risques pour la France doit donc tenir compte non seulement des facteurs géopolitiques, mais aussi du contexte opérationnel et historique spécifique des installations russes impliquées dans sa chaîne d'approvisionnement.
6. Perspectives Officielles et Sectorielles sur la Dépendance
- Gouvernement Français / EDF : Les déclarations publiques officielles françaises ou d'EDF concernant spécifiquement la dépendance vis-à-vis des services nucléaires russes sont généralement rares et mesurées. Bien que la nécessité d'une diversification des sources d'approvisionnement soit reconnue comme un principe général de sécurité énergétique, les détails sur les contrats spécifiques avec Rosatom/Tenex, notamment pour l'enrichissement et le traitement de l'URT, relèvent souvent de la confidentialité commerciale. Cependant, des rapports d'ONG comme Greenpeace ont mis en lumière cette dépendance 1, forçant parfois des réponses ou des clarifications de la part des acteurs concernés. La stratégie énergétique française à long terme et les plans d'investissement d'EDF pourraient implicitement refléter une volonté de réduire certaines dépendances, mais des annonces claires de rupture ou de non-renouvellement de contrats avec la Russie sont, à ce jour, limitées dans le domaine nucléaire, contrairement aux hydrocarbures.
- Agence d'Approvisionnement d'Euratom (ESA) : L'ESA joue un rôle clé dans la supervision du marché des matières nucléaires au sein de l'Union Européenne. Ses rapports annuels constituent une source d'information essentielle, bien qu'agrégée au niveau de l'UE. Ces rapports confirment régulièrement la part significative détenue par la Russie dans les approvisionnements européens en uranium naturel (notamment via le transit depuis l'Asie Centrale), en services de conversion et surtout en services d'enrichissement.10 L'ESA analyse également les stratégies de diversification des approvisionnements des utilities européennes et les risques pesant sur la sécurité d'approvisionnement.
- Agence Internationale de l'Énergie (AIE) & World Nuclear Association (WNA) : Ces organisations fournissent des analyses et des données sur les marchés mondiaux de l'énergie et du combustible nucléaire. Leurs publications confirment la position dominante de Rosatom sur le marché de l'enrichissement 3 et détaillent les capacités des différentes installations russes.3 Elles analysent également les flux mondiaux d'uranium naturel et les capacités de conversion 17, fournissant un contexte global essentiel pour évaluer les parts de marché et les vulnérabilités des chaînes d'approvisionnement.3
- Analystes Sectoriels & ONG : Des cabinets d'analyse spécialisés dans le marché nucléaire (comme UxC, non cité directement dans les snippets mais référence du secteur), ainsi que des publications industrielles (Nuclear Engineering International, World Nuclear News) fournissent des informations et des analyses sur les contrats, les prix et les tendances du marché.11 Parallèlement, des ONG comme Greenpeace et Bellona mènent des investigations et publient des rapports critiques, souvent axés sur les risques environnementaux, sécuritaires ou éthiques liés aux activités nucléaires russes et aux exportations de matières radioactives vers la Russie, notamment vers Seversk.1 Bien que leurs perspectives soient orientées, leurs travaux mettent souvent en lumière des aspects négligés ou sous-estimés dans les discours officiels ou industriels.
La confrontation de ces différentes perspectives – gouvernementale, européenne, internationale, industrielle et non gouvernementale – permet d'obtenir une image plus complète et nuancée de la dépendance française. Les données officielles et industrielles fournissent la trame quantitative, tandis que les déclarations politiques révèlent les intentions (ou leur absence). Les analyses des ONG soulignent les risques spécifiques, souvent liés à l'environnement, la sûreté ou l'éthique, qui peuvent être associés à certaines sources d'approvisionnement. Une évaluation experte se doit d'intégrer ces différents éclairages de manière critique pour appréhender la complexité de la situation.
7. Évaluation Globale de la Dépendance Française vis-à-vis du Complexe Nucléaire Russe
- Synthèse des Dépendances : L'analyse des différentes étapes du cycle du combustible révèle une dépendance française significative et multiforme vis-à-vis du complexe nucléaire russe contrôlé par Rosatom et opéré via ses combinats (SKhK, UEKhK, EKhZ, AEKhK) et sa filiale Tenex. Les points clés sont :
- Enrichissement : Une part substantielle, estimée entre 25% et 35% des besoins annuels français en UTS, est fournie par la Russie, malgré une capacité nationale significative.
- Uranium de Retraitement (URT) : Une dépendance critique et quasi-totale pour le traitement (conversion et ré-enrichissement) de l'URT français, confié spécifiquement au combinat SKhK à Seversk, maillon essentiel de la stratégie française de cycle fermé.
- Uranium Naturel : Une dépendance indirecte mais majeure, puisque près de la moitié des importations françaises provient du Kazakhstan et d'Ouzbékistan 1, pays où Rosatom exerce une influence potentielle sur la commercialisation et/ou le transit des matières.
- Estimation Globale et Méthodologie : Quantifier une proportion globale unique de l'"uranium utilisé" en France qui transite par le complexe russe est méthodologiquement complexe et potentiellement trompeur. Les dépendances s'expriment différemment à chaque étape (volume pour l'uranium naturel, services pour l'enrichissement/URT). Une approche plus pertinente consiste à reconnaître ces multiples points de contact significatifs. Si l'on considère l'enrichissement comme un service essentiel appliqué à la quasi-totalité de l'uranium utilisé, la part russe (25-35%) représente déjà une dépendance directe majeure. À cela s'ajoute la criticité du flux URT, qui bien que potentiellement plus faible en volume, est stratégique. Enfin, l'influence sur près de 50% de la matière première brute (uranium naturel) constitue une vulnérabilité supplémentaire. En combinant ces éléments, il apparaît clairement qu'une fraction très importante du combustible final chargé dans les réacteurs français a, à un moment ou un autre, été traitée, enrichie ou potentiellement commercialisée/transportée par des entités du complexe nucléaire russe.
- Incertitudes et Limites des Données : Il est crucial de souligner les limites de cette évaluation. Les données publiques ne permettent pas de tracer avec précision les flux de matières nucléaires attribuables spécifiquement aux contrats français au sein de chaque combinat russe (à l'exception probable de SKhK pour l'URT). Les détails des contrats commerciaux entre EDF, Orano, Tenex et d'autres fournisseurs sont confidentiels. L'évaluation de l'"influence" russe sur les flux d'uranium d'Asie Centrale reste qualitative et sujette à interprétation. Les chiffres présentés sont donc des estimations basées sur les meilleures informations disponibles publiquement (données agrégées de l'UE, capacités de production, analyses sectorielles), mais comportent une marge d'incertitude.2 La contribution exacte de UEKhK, EKhZ ou AEKhK aux services d'enrichissement génériques fournis à la France sous contrat Tenex est impossible à déterminer publiquement.
- Points Clés de la Dépendance : L'analyse confirme que la dépendance française n'est pas marginale. Elle repose sur :
- L'achat d'une part significative de services d'enrichissement, malgré une capacité domestique.
- L'externalisation d'une étape technologique critique (traitement URT) vers une installation russe spécifique (SKhK).
- Une forte exposition aux approvisionnements en uranium naturel de pays où la Russie conserve une influence logistique et commerciale potentielle.
Cette dépendance globale est donc systémique, touchant plusieurs maillons essentiels de la chaîne d'approvisionnement en combustible nucléaire français, et concentrée au sein d'entités contrôlées par l'État russe.
8. Conclusion et Implications Stratégiques
- Récapitulatif des Conclusions : L'analyse détaillée de la chaîne d'approvisionnement en combustible nucléaire de la France révèle une dépendance significative et persistante vis-à-vis du complexe nucléaire russe (Rosatom/Tenex et ses combinats SKhK, UEKhK, EKhZ, AEKhK). Cette dépendance se manifeste à plusieurs niveaux critiques : une part substantielle (estimée entre 25% et 35%) des services d'enrichissement (UTS), la quasi-totalité du traitement de l'uranium de retraitement (URT) via le site de SKhK à Seversk, et une exposition majeure aux flux d'uranium naturel d'Asie Centrale potentiellement influencés par la Russie. Globalement, une fraction importante du combustible utilisé dans les réacteurs français transite par ce complexe russe.
- Analyse des Risques : Cette situation expose la France à plusieurs catégories de risques :
- Risques de Sécurité d'Approvisionnement : La concentration des approvisionnements sur un acteur étatique unique, dans un contexte géopolitique tendu, crée un risque tangible de rupture. Celle-ci pourrait résulter de décisions politiques russes (restrictions ou embargos à l'exportation, comme observé ou menacé pour d'autres ressources 7), de sanctions occidentales ciblant le secteur nucléaire russe 6, de problèmes techniques ou d'accidents dans les installations russes vieillissantes, ou de perturbations logistiques.13
- Risques Géopolitiques : Cette dépendance énergétique peut conférer à la Russie un levier d'influence politique sur la France ou sur l'Union Européenne, susceptible d'être utilisé dans des négociations ou des crises.8 Elle peut compliquer l'alignement de la France sur des positions internationales fermes vis-à-vis de la Russie.
- Risques de Marché : Toute perturbation de l'offre russe, ou même une décision occidentale concertée de s'en détourner, aurait des conséquences majeures sur les marchés mondiaux de l'uranium, de la conversion et de l'enrichissement. Cela se traduirait probablement par une hausse significative et durable des prix du combustible nucléaire, affectant la compétitivité de l'énergie nucléaire française et mondiale.8 La capacité des fournisseurs occidentaux à augmenter rapidement leur production pour compenser le retrait russe est limitée à court et moyen terme.10
- Risques Éthiques et Réputationnels : Continuer à s'approvisionner auprès d'installations russes, en particulier celles comme SKhK à Seversk qui ont un historique documenté d'accidents, de contamination environnementale et de préoccupations concernant la santé des travailleurs 61, soulève des questions éthiques. De plus, le fait de commercer avec un acteur étatique (Rosatom) impliqué dans un conflit militaire et lié au complexe militaro-industriel russe 16 peut poser des problèmes réputationnels, même si Rosatom communique activement sur ses engagements en matière de sûreté et de responsabilité.48
- Options Stratégiques pour la France : Face à ces risques, plusieurs options stratégiques peuvent être envisagées, souvent complémentaires :
- Diversification Accrue : Renforcer les contrats avec les fournisseurs occidentaux existants (Orano, Urenco, Cameco) pour l'uranium naturel, la conversion et l'enrichissement.10 Soutenir activement, politiquement et financièrement, les projets d'expansion des capacités de conversion et d'enrichissement en Europe et en Amérique du Nord.7 Sécuriser des routes d'approvisionnement alternatives pour l'uranium d'Asie Centrale, contournant la Russie.13
- Développement Technologique et Industriel Domestique : Investir dans la recherche et le développement, puis potentiellement dans la construction, d'une capacité nationale de traitement (conversion, ré-enrichissement) de l'URT pour éliminer la dépendance spécifique vis-à-vis de SKhK. Explorer des stratégies alternatives de gestion du cycle du combustible si le recyclage de l'URT s'avère trop complexe ou coûteux à relocaliser.
- Gestion des Stocks : Maintenir et potentiellement augmenter les niveaux de stocks stratégiques de matières nucléaires (uranium naturel, converti, enrichi) pour pouvoir absorber des ruptures d'approvisionnement de court ou moyen terme.11
- Coopération Internationale : Renforcer la coordination avec les alliés (UE, États-Unis, Canada, Japon, Royaume-Uni) pour développer une approche commune de la sécurité de l'approvisionnement en combustible nucléaire, partager les informations sur les marchés et potentiellement coordonner les investissements dans de nouvelles capacités.7
- Implications Plus Larges : La situation française s'inscrit dans un contexte plus large de dépendance occidentale vis-à-vis de la Russie pour le combustible nucléaire. Les décisions prises par la France auront des implications pour la politique énergétique de l'UE, pour la coopération transatlantique en matière de sécurité nucléaire, et pour la reconfiguration future du marché mondial du combustible nucléaire, potentiellement segmenté selon des lignes géopolitiques.
En définitive, la dépendance de la France vis-à-vis du complexe nucléaire russe constitue un dilemme stratégique complexe, où se mêlent impératifs de sécurité énergétique, considérations économiques, alignements géopolitiques et préoccupations éthiques. La réduction de cette dépendance est un objectif souhaitable pour renforcer la souveraineté et la résilience énergétiques, mais elle représente un effort de longue haleine qui exigera une volonté politique soutenue, des investissements financiers considérables, une coopération internationale renforcée et l'acceptation potentielle de coûts plus élevés pour le combustible nucléaire à moyen terme. La vulnérabilité spécifique liée au traitement de l'URT à Seversk nécessite une attention et une réponse particulièrement ciblées.
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