Uranium Recyclé Français : La Filière Sibérienne Qui Alimente Cruas Sous Tension Géopolitique
Au cœur de la stratégie énergétique française, le nucléaire est présenté comme un pilier de souveraineté. Pourtant, une facette essentielle de cette industrie, le recyclage d'une partie de son combustible usé, révèle une dépendance paradoxale. EDF, l'électricien national, s'appuie sur le géant nucléaire étatique russe Rosatom et ses installations en Sibérie pour traiter son Uranium de Retraitement (URT). Cette collaboration, formalisée par un contrat majeur en 2018, vise spécifiquement à produire le combustible recyclé, dit URE (Uranium de Retraitement Enrichi), destiné exclusivement à la centrale nucléaire de Cruas-Meysse en Ardèche.
Dans un contexte de tensions géopolitiques exacerbées depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, cette filière nucléaire franco-russe opère en marge des sanctions économiques qui frappent d'autres secteurs énergétiques russes. Elle soulève ainsi des questions complexes sur la cohérence stratégique, la sécurité d'approvisionnement et les implications éthiques, tout en mettant en lumière les défis techniques et industriels inhérents au cycle du combustible nucléaire.1 Cet article décrypte les rouages de cette chaîne d'approvisionnement singulière, de la définition de l'URT aux controverses entourant son traitement en Sibérie et son utilisation finale en France.
L'URT : L'Ambition Circulaire du Nucléaire Français
Au centre de cette filière se trouve l'Uranium de Retraitement, ou URT. Il s'agit de l'uranium récupéré lors du traitement des combustibles nucléaires usés, une opération effectuée en France principalement à l'usine Orano de La Hague.4 Après plusieurs années d'utilisation dans le cœur d'un réacteur, le combustible irradié est retiré. Ce combustible usé est composé à environ 95-96 % d'uranium, 1 % de plutonium et 3-4 % de produits de fission et actinides mineurs, considérés comme des déchets ultimes.4 Le retraitement vise à séparer ces différentes matières.
L'URT ainsi récupéré n'est pas identique à l'uranium naturel extrait des mines. Sa teneur en isotope fissile, l'uranium 235 ($^{235}U),estgeˊneˊralementdel′ordrede0,9^{236}U),formeˊparcaptureneutroniquesurl′^{235}U,estun"poisonneutronique",c′est−aˋ−direqu′ilabsorbelesneutronssansfissionner,cequiperturbelareˊactionenchaı^neetneˊcessiteunecompensationlorsdelafabricationducombustible.[7,8,9,10]Ontrouveeˊgalementdel′uranium234(^{234}U)enquantiteˊnotableetdestracesd′uranium232(^{232}U).Cedernier,bienquepreˊsententreˋsfaiblequantiteˊ,posedesdeˊfisimportantsenmatieˋrederadioprotectioncarsachaı^nededeˊsinteˊgrationproduitdeseˊmetteursgammatreˋseˊnergeˊtiques,notammentlethallium208,neˊcessitantdesblindagesrenforceˊslorsdelamanipulationetdelafabricationducombustible.[7,8,9,10]Poure^trereˊutiliseˊcommecombustibledanslesreˊacteursaˋeaupressuriseˊe(REP)actuels,l′URTdoitfranchirdeuxeˊtapescleˊs:la∗conversion∗etle∗reˊ−enrichissement∗.Laconversionconsisteaˋtransformerchimiquementl′URT,geˊneˊralementsousformed′oxyde(U3O8ouUO3),enhexafluorured′uranium(UF6),uncomposeˊgazeuxaˋbassetempeˊrature,seuleformeutilisablepourl′eˊtapesuivante.[11,12]Lereˊ−enrichissementviseensuiteaˋaugmenterlaproportiond′^{235}UdanscetUF6,typiquementpouratteindreuneteneurde3PourEDF,lerecoursaˋl′UREs′inscritdansunestrateˊgiede"cyclefermeˊ"visantplusieursobjectifs.D′abord,l′eˊconomiedesressourcesnaturelles:chaquetonned′UREutiliseˊepermetd′eˊconomiserunequantiteˊeˊquivalented′uraniumnaturel.[4,8]CombineˊaurecyclageduplutoniumsousformedecombustibleMOX(MixedOxides),utiliseˊdans22reˊacteursfranc\cais[5,15],l′utilisationdel′UREdoitpermettreaˋtermed′eˊconomiser25Cettestrateˊgiedevalorisationseheurtecependantaˋunecontroversefondamentale:lanatureme^medel′URT.Pourl′industrieetlesautoriteˊsfranc\caises(ASN,AutoriteˊdeSu^reteˊNucleˊaire),l′URTestune"matieˋrevalorisable".[4,20]Cetteclassificationsejustifieparsonpotentieleˊnergeˊtiqueintrinseˋque(preˊsenced′^{235}Uetd′^{238}$U fertile) et par l'existence d'une stratégie industrielle, matérialisée par le contrat avec la Russie et l'utilisation à Cruas, visant à réutiliser au moins une partie de ce stock.14 Cependant, des organisations environnementales comme Greenpeace contestent cette vision.3 Elles arguent que les difficultés techniques (présence d'isotopes gênants), les coûts élevés du recyclage, la dépendance envers la Russie pour une étape clé, et l'absence de perspective de valorisation à court ou moyen terme pour l'intégralité des stocks croissants 20 devraient conduire à classer l'URT comme un "déchet radioactif", à l'instar de la pratique dans la majorité des pays nucléarisés.3 L'exportation vers la Russie, pays disposant lui-même d'énormes stocks d'uranium appauvri et de retraitement, est alors perçue non comme une étape de recyclage, mais comme une forme déguisée d'exportation de déchets.3 Ce débat sur la classification a des implications juridiques directes, notamment sur la légitimité et les conditions réglementaires encadrant le transport de ces matières vers la Russie.
Le Contrat Nucléaire Franco-Russe de 2018
La décision d'EDF de relancer la filière URE en 2018 s'est concrétisée par la signature, en mai de la même année, d'un contrat majeur avec Tenex (Techsnabexport), la filiale commerciale de Rosatom, la corporation d'État russe pour l'énergie atomique.18 Ce contrat a été paraphé lors du Forum économique international de Saint-Pétersbourg, en présence des présidents russe et français de l'époque.26
Le contrat porte sur un "complexe de services pour la manipulation de l'uranium régénéré" 28 ou la "fourniture de produits uranifères à partir de l'uranium de retraitement français".27 Concrètement, il couvre les étapes industrielles indispensables pour transformer l'URT français en combustible URE utilisable : la conversion chimique de l'oxyde d'URT en UF6 gazeux, et son ré-enrichissement en isotope $^{235}$U.2
Il s'agit d'un engagement à long terme, prévu pour être mis en œuvre sur une décennie, de 2022 à 2032.25 Sa valeur financière est considérable : des sources évoquent un montant d'environ 1 milliard de dollars américains 28, tandis que le rapport annuel 2018 de Tenex le situe au sein d'un portefeuille de nouveaux contrats totalisant 2 milliards de dollars signés cette année-là, soulignant son importance.27
Du point de vue d'EDF et de l'industrie nucléaire française, ce contrat était, au moment de sa signature, la clé de voûte de la relance de la filière URE. Il permettait de capitaliser sur les capacités industrielles spécifiques de Tenex/Rosatom, jugées alors indispensables pour des raisons techniques et économiques, afin d'alimenter les réacteurs de Cruas avec du combustible recyclé.8 Il faut noter que ce contrat a été signé après l'annexion de la Crimée par la Russie en 2014, mais avant l'invasion à grande échelle de l'Ukraine en 2022.
La durée de dix ans (2022-2032) et la valeur significative de cet accord créent de facto un lien commercial et opérationnel fort entre EDF et Rosatom pour ce segment spécifique du cycle du combustible. Bien que logiquement justifiable sur le plan industriel au moment de la décision en 2018, compte tenu de l'absence d'alternative immédiate pour la conversion 1, cet engagement a engendré une dépendance structurelle. Or, développer une capacité alternative de conversion en France ou en Europe prendrait du temps – les estimations varient de sept à dix ans – et nécessiterait des investissements importants.1 Par conséquent, EDF se retrouve engagée dans ce contrat bien après le début de la guerre en Ukraine, et confirme continuer les échanges commerciaux autorisés par la loi, malgré les tensions géopolitiques et les critiques.3 Cette situation illustre les longues échelles de temps et les inerties caractéristiques de l'industrie nucléaire, où les choix passés conditionnent fortement les marges de manœuvre présentes et rendent difficiles des réorientations rapides, même souhaitées politiquement.
Seversk, Maillon Sibérien Indispensable
L'étape cruciale de transformation de l'URT français s'effectue à des milliers de kilomètres de la France, au cœur de la Sibérie. L'installation concernée est le Combinat Chimique de Sibérie (Siberian Chemical Combine - SKhK), situé dans la ville fermée de Seversk, anciennement connue sous le nom de Tomsk-7, dans l'oblast de Tomsk.3 Ce complexe industriel massif, hérité de l'ère soviétique et initialement dédié à la production de matières fissiles militaires (plutonium et uranium hautement enrichi), est aujourd'hui exploité par Rosatom, via notamment sa filiale Tenex pour les activités commerciales internationales.5
La raison fondamentale de cette délocalisation réside dans la capacité industrielle unique, ou du moins la seule actuellement accessible et contractualisée par EDF, de l'usine de Seversk pour réaliser l'étape de conversion de l'URT.1 Transformer l'oxyde d'uranium de retraitement (U3O8 ou UO3) en hexafluorure d'uranium (UF6) gazeux est une opération chimiquement complexe, rendue encore plus délicate par la composition isotopique spécifique de l'URT.
Les isotopes $^{236}$U et $^{232}$U, présents dans l'URT, posent des contraintes majeures.7 Leur présence interdit le traitement de l'URT dans les mêmes installations que celles utilisées pour l'uranium naturel, beaucoup plus volumineux en termes de flux. Le risque de contamination croisée, qui dégraderait la qualité du combustible standard, et les exigences accrues en matière de radioprotection (notamment à cause des descendants gamma du $^{232}$U) imposent l'utilisation de lignes de production entièrement dédiées et spécifiquement conçues pour l'URT, tant pour la conversion que pour l'enrichissement.3
Or, si Orano dispose en France des capacités industrielles pour convertir l'uranium naturel (usines de Malvési dans l'Aude et Philippe Coste sur le site du Tricastin dans la Drôme) 4 et pour enrichir l'uranium de retraitement (dans des modules dédiés de la nouvelle usine Georges Besse II, également au Tricastin, utilisant la technologie de centrifugation) 4, l'entreprise ne possède pas, à l'heure actuelle, d'installation industrielle opérationnelle pour assurer l'étape spécifique de conversion de l'URT sous forme d'oxyde en UF6.4 C'est cette lacune capacitaire française qui rend le recours à l'usine russe de Seversk indispensable dans le cadre du contrat de 2018. Rosatom a investi dans la modernisation de ses installations de Seversk pour traiter l'URT, qu'il soit d'origine russe ou étrangère, notamment en ce qui concerne la gestion des effluents et des déchets issus de ces opérations.17
Concernant l'étape d'enrichissement, bien que le contrat global de 2018 couvre ce service par Tenex 28, une source parlementaire française de 2023 indique que l'enrichissement de l'URT pour EDF serait réalisé à 50 % en Russie et à 50 % aux Pays-Bas, vraisemblablement via Urenco.5 Cela pourrait suggérer un partage des tâches ou une évolution des flux depuis la signature initiale. Néanmoins, la dépendance critique et incontournable vis-à-vis de la Russie concerne bien l'étape de conversion, pour laquelle aucune alternative industrielle n'est actuellement opérationnelle pour EDF.
Il est important de souligner que cette dépendance ne découle pas d'un manque de savoir-faire technologique en France. Orano maîtrise l'ensemble des étapes du cycle.4 Elle résulte plutôt d'un choix industriel et économique passé : celui de ne pas investir dans une ligne de conversion dédiée à l'URT en France, alors que la Russie maintenait et modernisait cette capacité de niche.17 La relance de la filière URE par EDF en 2018 s'est donc appuyée sur la capacité existante en Russie. Ce n'est que récemment, sous l'impulsion des nouvelles réalités géopolitiques, que la construction d'une telle installation en France ou en Europe est sérieusement envisagée, projet qui nécessiterait cependant plusieurs années pour aboutir.1
Cruas-Meysse : Destination Exclusive de l'URE
Une fois converti et ré-enrichi en Russie, l'Uranium de Retraitement Enrichi (URE) fait le chemin inverse vers la France pour être transformé en combustible et utilisé dans un lieu bien précis : la centrale nucléaire de Cruas-Meysse.2 Située en bordure du Rhône, dans le département de l'Ardèche (région Auvergne-Rhône-Alpes), cette centrale exploitée par EDF est composée de quatre réacteurs à eau pressurisée (REP) de 900 MWe chacun, mis en service au début des années 1980.1
Ces quatre unités de Cruas sont, à ce jour, les seules du parc nucléaire français à être autorisées et spécifiquement désignées pour recevoir et utiliser le combustible URE issu de la filière relancée en 2018 via le contrat avec Tenex/Rosatom.3 Elles avaient déjà servi de "tête de série" pour l'utilisation de l'URE entre 1994 et 2013.14
Un jalon important a été franchi le 5 février 2024 : le réacteur numéro 2 de la centrale de Cruas-Meysse a redémarré après son arrêt pour rechargement, avec pour la première fois depuis plus de dix ans, un cœur entièrement constitué de ce nouveau combustible URE.1 Cet événement marque l'aboutissement opérationnel de la boucle complexe impliquant La Hague, le transport vers la Sibérie, le traitement à Seversk, le retour en France et la fabrication finale du combustible.
La centrale de Cruas-Meysse joue donc un rôle pivot. Elle n'est pas simplement un utilisateur parmi d'autres ; elle est la destination unique qui justifie et rend opérationnelle l'ensemble de cette chaîne d'approvisionnement spécifique et géopolitiquement sensible, initiée par le contrat de 2018. Sans l'utilisation de l'URE à Cruas, la transformation de l'URT en Russie pour le compte d'EDF n'aurait pas de finalité immédiate dans le parc français actuel.
EDF ne compte cependant pas s'arrêter là. L'électricien a affiché son ambition d'étendre l'utilisation de l'URE à certains réacteurs plus puissants, ceux du palier 1300 MWe, à partir de 2027.9 L'objectif à plus long terme, pour les années 2030, est que l'URE représente plus de 30 % de l'uranium chargé annuellement dans l'ensemble des réacteurs français.2 Cette montée en puissance impliquerait une augmentation très significative des volumes d'URE nécessaires, bien au-delà des besoins actuels de Cruas.
Flux et Objectifs : Les Volumes en Jeu
Pour comprendre l'échelle de cette filière, il faut considérer les volumes de matières concernés. EDF gère un stock conséquent d'URT, estimé à environ 25 000 tonnes fin 2020, qui s'accroît d'environ 1 045 tonnes chaque année du fait des opérations de retraitement à La Hague.8
Face à cela, les besoins actuels pour la centrale de Cruas sont relativement modestes. L'alimentation des quatre réacteurs de 900 MWe avec du combustible URE requiert environ 74 tonnes d'URE par an.41 Il faut noter que la production de 74 tonnes d'URE nécessite de traiter une quantité supérieure d'URT, car le processus d'enrichissement génère également de l'uranium appauvri (les "queues" d'enrichissement). En fonction des paramètres d'enrichissement, on peut estimer qu'il faut traiter entre 100 et 150 tonnes d'URT pour obtenir les 74 tonnes d'URE nécessaires annuellement à Cruas.
Les volumes exacts d'URT traités annuellement dans le cadre du contrat EDF-Tenex ne sont pas publiquement détaillés. Cependant, la valeur du contrat (environ 1 milliard de dollars sur 10 ans) 28 suggère que des quantités significatives sont concernées, cohérentes avec l'alimentation de Cruas, mais représentant seulement une fraction de la production annuelle d'URT par EDF. À titre de comparaison, Orano a vendu séparément à Rosatom, dans le cadre d'un contrat distinct signé fin 2020 et désormais soldé, 1 150 tonnes d'URT destinées à fabriquer du combustible pour les réacteurs russes.4
L'objectif affiché par EDF d'atteindre plus de 30 % d'utilisation d'URE dans son parc d'ici les années 2030 14 représente un changement d'échelle majeur. Compte tenu d'une consommation annuelle française équivalente à environ 7 000 - 8 400 tonnes d'uranium naturel 8, un taux de 30 % correspondrait à un besoin annuel de l'ordre de 2 100 à 2 500 tonnes d'URE. C'est une multiplication par un facteur 30 par rapport à la consommation actuelle de Cruas.
Cette ambition met en lumière un décalage important : la consommation actuelle d'URE (~74 t/an) est très inférieure à la production annuelle d'URT (~1045 t/an), entraînant une croissance continue des stocks d'URT 8, une situation déjà pointée par l'ASN.23 Atteindre l'objectif de 30 % nécessiterait non seulement d'adapter un grand nombre de réacteurs français à l'URE, mais aussi et surtout de disposer d'une capacité de conversion et d'enrichissement d'URT massivement accrue, bien au-delà de ce que le contrat actuel avec Tenex semble couvrir ou de ce que Seversk pourrait raisonnablement traiter pour le seul compte d'EDF. Cela renforce l'idée que le développement d'une capacité de conversion domestique ou européenne 1 n'est pas seulement une option géopolitique, mais pourrait devenir une nécessité industrielle si cet objectif de recyclage à grande échelle est maintenu.
Le tableau suivant synthétise les acteurs, lieux et flux de matières de la filière URT/URE spécifique au contrat EDF-Tenex de 2018 :
Table 5.1: Synthèse de la Filière URT/URE (Contrat EDF-Tenex 2018)
Acteur |
Rôle |
Localisation |
Matière Entrante |
Matière Sortante |
EDF |
Propriétaire URT, Client URE |
France |
- |
URT |
Orano La Hague |
Retraitement Combustible Usé |
France |
Combustible Usé |
URT (95%), Pu (1%), Déchets (4%) |
Transport 1 |
Expédition URT |
France -> Russie |
URT |
URT |
Tenex/Rosatom Seversk |
Conversion & Enrichissement |
Russie (Sibérie) |
URT |
URE, Uranium Appauvri (DU), Déchets |
Transport 2 |
Retour URE |
Russie -> France |
URE |
URE |
Framatome Romans-sur-Isère |
Fabrication Combustible |
France |
URE |
Assemblages URE |
EDF Cruas-Meysse |
Utilisation Combustible |
France |
Assemblages URE |
Électricité, Combustible URE Usé |
La Logistique Nucléaire : Trajets et Controverses
Le transport des matières nucléaires entre la France et la Sibérie implique une chaîne logistique complexe et sensible. L'URT, après avoir été extrait à La Hague et conditionné sous forme stable d'oxyde (U3O8) à l'usine TU5 d'Orano au Tricastin 17, doit être acheminé vers la Russie. Ce transport se fait probablement par voie terrestre (train ou camion) jusqu'à un port français, comme Le Havre ou Dunkerque, qui ont été identifiés comme points de transit pour des cargaisons d'uranium à destination ou en provenance de Russie.3 De là, l'URT voyage par voie maritime, à bord de navires spécialisés (des noms comme le Mikhail Dudin ou le Kapitan Lomonosov ont été cités par Greenpeace dans ce contexte 3), jusqu'à des ports russes de la Baltique tels que Saint-Pétersbourg ou Ust-Luga.43 Enfin, un transport terrestre, vraisemblablement ferroviaire, est nécessaire pour atteindre le site de Seversk, situé loin à l'intérieur des terres sibériennes.3
Après conversion et enrichissement, l'URE (sous forme d'UF6) effectue le trajet retour vers la France.3 Il est ensuite dirigé vers l'usine de fabrication de combustible de Framatome à Romans-sur-Isère (Drôme).5 Là, l'UF6 est reconverti en oxyde (UO2), mis sous forme de pastilles, inséré dans des gaines (crayons) qui sont ensuite assemblées pour former les éléments combustibles URE.12 Ces assemblages finaux sont enfin transportés jusqu'à la centrale de Cruas-Meysse pour être chargés dans les réacteurs.36
Tous ces transports de matières radioactives sont soumis à des réglementations nationales et internationales très strictes, supervisées en France par l'ASN. Ils s'effectuent dans des emballages spécifiques, extrêmement robustes, appelés "châteaux" en France, conçus pour résister à des accidents sévères (chutes, incendies, immersion).16
Malgré ces précautions, cette chaîne logistique est au centre de vives controverses. La principale est d'ordre géopolitique : la poursuite de ce commerce nucléaire avec Rosatom, entreprise d'État russe impliquée dans l'occupation militaire de la centrale ukrainienne de Zaporijjia 2 et pilier du complexe militaro-industriel russe, apparaît en contradiction avec les sanctions visant d'autres secteurs de l'économie russe et le soutien affiché à l'Ukraine.2 Le secteur nucléaire échappe pour l'instant largement aux sanctions directes de l'UE 1, permettant à ces flux de perdurer légalement, mais non sans critiques acerbes d'ONG comme Greenpeace qui dénoncent un "double standard" et un financement indirect de la Russie.3
Des préoccupations environnementales spécifiques au site de destination, Seversk, s'ajoutent. Des rapports et des témoignages passés font état d'une pollution historique significative liée aux activités du complexe, incluant des accidents (comme celui de 1993 43), l'injection souterraine de déchets liquides radioactifs, et des images satellites interprétées comme montrant un stockage à ciel ouvert de fûts d'URT sans protection adéquate.19 Le statut de ville fermée de Seversk rend difficile toute vérification indépendante des pratiques actuelles et de leur impact environnemental réel, malgré les assurances contractuelles qu'EDF dit avoir obtenues concernant le respect de l'environnement et un droit d'audit.19
Le débat sémantique "matière valorisable" contre "déchet" prend ici une dimension très concrète. Pour les critiques, envoyer de l'URT en Russie, qui en possède déjà d'immenses quantités, relève davantage de l'élimination de stocks encombrants que d'un véritable recyclage, surtout si la totalité de l'URT envoyé n'est pas systématiquement réutilisée.3 Enfin, un manque de transparence de la part des acteurs industriels français sur la nature exacte et l'ampleur de ces flux, particulièrement depuis le début de la guerre, est régulièrement dénoncé.2
EDF et le gouvernement français se retrouvent ainsi sur une ligne de crête délicate. Ils maintiennent un contrat jugé stratégiquement nécessaire pour la filière URE, rendu possible par l'absence de sanctions directes sur ce secteur, tout en condamnant par ailleurs l'agression russe et en participant aux sanctions dans d'autres domaines. Les industriels soulignent que la dépendance globale vis-à-vis de la Russie reste limitée ou est en voie de réduction 34, et que la priorité est d'assurer le fonctionnement continu des centrales nucléaires. Cette situation met en exergue le statut particulier du cycle du combustible nucléaire dans les relations internationales, où les dépendances industrielles établies et les impératifs d'exploitation priment, pour l'instant, sur l'alignement géopolitique complet concernant cette boucle URT spécifique.
Conclusion : Entre Ambition de Recyclage et Risques Stratégiques
La filière de l'Uranium de Retraitement Enrichi (URE) destinée à la centrale de Cruas-Meysse tisse un lien complexe et singulier entre la France et la Russie. Partant des piscines de refroidissement de La Hague où l'URT est séparé du combustible usé, cette chaîne passe par un contrat décennal signé en 2018 entre EDF et Tenex/Rosatom, transite par les vastes installations de conversion et d'enrichissement de Seversk en Sibérie – étape rendue indispensable par l'absence actuelle de capacité de conversion dédiée en France – pour revenir sous forme de combustible URE fabriqué à Romans-sur-Isère et finalement chargé dans les quatre réacteurs de Cruas.
Cette boucle illustre une tension fondamentale au cœur de la stratégie nucléaire française. D'un côté, l'ambition affichée d'une économie circulaire, visant à économiser les ressources en uranium naturel et à minimiser les déchets ultimes par le recyclage. De l'autre, une dépendance critique envers un acteur étatique russe, Rosatom, pour une étape techniquement incontournable (la conversion de l'URT), dépendance qui apparaît d'autant plus problématique dans le contexte géopolitique actuel.
Le redémarrage réussi de Cruas 2 avec un cœur complet d'URE en février 2024 constitue indéniablement une étape importante pour la stratégie de recyclage d'EDF.14 Cependant, cette réalisation ne fait pas taire les controverses entourant le maintien des liens avec l'industrie nucléaire russe malgré la guerre en Ukraine, ni les préoccupations environnementales liées au site de Seversk.2
Face à ces enjeux, la France semble chercher une issue. Le gouvernement et les industriels étudient "sérieusement" la possibilité de construire une usine de conversion d'URT sur le territoire national ou européen à l'horizon 2030.1 Un tel projet, potentiellement mené par Orano, éventuellement en partenariat avec d'autres acteurs comme Westinghouse 8, viserait à rapatrier cette étape clé du cycle et à réduire, voire éliminer, la dépendance vis-à-vis de la Russie pour cette filière spécifique. La réalisation d'un tel projet prendra cependant du temps et nécessitera des investissements conséquents.
En définitive, la filière URT-Seversk-Cruas met en lumière les arbitrages complexes auxquels est confrontée la politique énergétique française. Elle doit jongler entre les objectifs stratégiques de long terme (recyclage, indépendance), les réalités industrielles et économiques (capacités existantes, coûts), les considérations environnementales (gestion des matières et des sites) et les impératifs géopolitiques immédiats. La manière dont la France naviguera ces prochaines années entre la poursuite du contrat russe, l'accélération éventuelle d'une alternative européenne et la gestion de ses stocks croissants d'URT sera déterminante pour l'avenir de son ambition de recyclage nucléaire.
Sources des citations
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